Fraternité Catholique EurAfricaine

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A propos des colonies

A propos des colonies

                        Libres réflexions à bâtons rompus

 

J’ai conscience d’aborder un sujet difficile, et douloureux pour beaucoup. Mais c’est précisément pour cela que je m’y attache, dans un esprit de paix et de réconciliation ; c’est nécessaire, car les erreurs qu’on colporte à ce sujet empoisonnent les consciences et même les relations entre états.

Quelle autorité ai-je pour cela ? Je ne suis qu’historien amateur ! Cependant j’ai vécu deux ans en Algérie avant l’indépendance, et à deux reprises j’ai enseigné sans salaire en Afrique Noire pendant neuf ans au total : j’ai écouté, lu, réfléchi. Et mon amitié avec de nombreux prêtres africains, ainsi que l’attachement que me portent mes anciens élèves, m’autorise à en parler : on doit me le reconnaître même si on estime par ailleurs que mon avis reste entaché de préjugés.

Il serait trop ambitieux d’envisager ici toute l’histoire des colonies européennes au cours des siècles : on se limitera à la colonisation qui s’est développée de l’Europe vers l’Afrique, surtout l’Afrique Noire, au XIXème siècle, en ne considérant guère que le cas des colonies françaises : on peut probablement étendre ces réflexions en les adaptant aux autres pays.

Ce qui rend les gens malheureux, c’est l’idée que la colonisation fut un mal absolu. Cette idée pourrit les consciences et complexe les gens. Les Européens devraient avoir honte de ce qu’ont fait leurs ancêtres, et les Africains devraient être pleins de haine pour ce qu’ont subi les leurs. Mais justement, il n’est pas difficile de démontrer que la colonie n’a pas eu que du négatif : savoir cela permet de regarder l’avenir de façon à coopérer dans l’amitié.

 

 

La décolonisation

Pour entrer dans le sujet, je vous propose de commencer par la fin ; c’est-à-dire par la décolonisation. Car ses circonstances permettent de comprendre pourquoi on a encore aujourd’hui, soixante ans après les indépendances, du mal à porter un jugement objectif sur la période coloniale.

En effet, l’implication des deux super-puissances de l’époque dans la décolonisation ne fait aucun doute. D’un côté la Russie, alors communiste, a armé plus d’un groupe opposé à l’administration coloniale. On prête aux premiers dirigeants soviétiques l’idée que pour eux le chemin de Moscou à Paris passait par Pékin et Alger : sans doute s’en sont-ils fait la réflexion après leur défaite militaire devant Varsovie le 15 août 1920. Leur stratégie était d’affaiblir l’adversaire en exploitant ses « contradictions » (les faiblesses qui résultent d’oppositions existantes ou à susciter) : pour cela il fallait donner mauvaise conscience aux défenseurs de l’ordre établi, et provoquer ou exacerber la haine chez ceux qui y étaient soumis. On voit que ce programme n’est pas un programme de bonheur !

Quant aux Etats-Unis d’Amérique, ils n’étaient pas en reste. Dès l’intervention américaine en Afrique du Nord pendant la seconde guerre mondiale, le Président Roosevelt est allé prêcher l’indépendance au roi du Maroc. Encore aujourd’hui on trouve des membres du Peace Corps qui sillonnent les anciennes colonies françaises en disant du mal de la France. Les dirigeants américains voyaient bien qu’en faisant main basse sur les richesses naturelles de l’Afrique, ils affaibliraient l’Europe et pourraient régner en maitres. Simplement ils ne voulaient pas prendre à leur charge le développement des pays une fois décolonisés.

Force est de constater que cela a eu beaucoup d’inconvénients pour les Africains eux-mêmes. Tout d’abord, on peut estimer qu’en une dizaine d’années, l’Afrique a perdu quelque dix millions d’Européens, indispensables à ce moment précis : enseignants de tous niveaux, médecins et autres soignants, chefs d’entreprise, administrateurs, techniciens dans toutes sortes de domaines… Cela n’a pas pu ne pas affecter le développement ! D’autant plus qu’il y a eu un arrêt brutal des investissements d’infrastructure : il faudrait par exemple faire le compte des kilomètres de voie ferrée construits chaque année dans les colonies de la France avant et après l’indépendance. Si l’on avait continué au même rythme, il y aurait peut-être aujourd’hui, à la place de la voie unique et étroite Cotonou-Parakou, une double voie à grande vitesse Cotonou-Niamey.[1]

De même il faudrait comptabiliser la chute des exportations : les colonies avaient l’assurance de vendre leurs produits à leurs métropoles et d’être représentées et défendues par elles devant les instances internationales : quand ce fut fini, il a fallu en toute hâte mettre en place les ACP afin d’éviter un écroulement trop complet.

La rapidité avec laquelle les indépendances ont été accordées a conduit aussi à l’instabilité politique, avec un peu partout des guerres civiles aggravant les phénomènes décrits ci-dessus. Et puis, obérant l’avenir, le pourcentage d’enfants scolarisés par classes d’âge était en hausse continue, et ce dynamisme a été soit brisé, soit ralenti.

 

Avant d’aborder quelques thèmes spécifiques, je voudrais rapporter quelques anecdotes.

J’avais des confères zaïrois qui pensaient que si l’Église affirmait qu’on ne pouvait pas dire la messe avec des produits locaux mais seulement avec du vin de raisin, c’était pour maintenir une dépendance économique des pays tropicaux par rapport à l’Occident ! Or le problème n’était pas nouveau : en Europe du Nord, il n’y a pas de vigne, et peu après l’évangélisation des pays scandinaves la question s’est posée ; en 1220 le Pape Honorius III écrivait à l’évêque Olaf d’Uppsala qu’il ne fallait pas mettre dans le calice plus d’eau que de vin (Denzinger 822) : l’absence de vigne dans le pays n’autorisait pas à utiliser autre chose que du vin.

 

Un jour un de mes élèves africains m'a dit, sur le ton d'une question : "Je crois que si les Blancs n'étaient pas venus, on serait bien tranquilles comme avant." "Tu as le droit de le penser, lui ai-je répondu, mais tu vois, quand ta mère est malade, tu es bien content qu'il y ait des médecins et des médicaments pour elle." Il a acquiescé. Et c’est un fait que l’Europe a livré gratuitement au monde entier sa science et ses techniques. On aurait pu imaginer de le faire autrement que par la colonisation, mais grâce à celle-ci la transmission s’est faite très rapidement. Disons-nous aussi que sans présence en Afrique de l’administration des États européens, les affairistes se seraient taillé des empires sans contrôle, et cela eût été bien pire. Le martyre du bienheureux congolais Isidore Bakanja illustre bien cet aspect : son patron belge, isolé loin de toute administration l’a fait fouetter à mort parce qu’il était chrétien et refusait de quitter son scapulaire ; toutefois avant de mourir le jeune martyr a pu se faire déposer sur le chemin d’un inspecteur, et c’est ainsi seulement que le meurtrier a été puni.

 

Un autre jour, dans une capitale d'Afrique de l'Ouest, j'ai consulté un médecin. Je l'ai félicité de ce que son cabinet soit climatisé. "Chez moi, dit-il, c'est climatisé naturellement." Je compris qu'il venait d'une région que je connaissais. "Unasema kiswahili ?" demandais-je. Il ne s'attendait évidemment pas à ce qu'un Blanc en Afrique de l'Ouest lui parle swahili ! Il venait en effet du Kivu : nous avons pu parler du Congo. Il avait fui la dictature vers l'an 2000. "Le tort de Mobutu, dit-il, ce fut de couper les liens avec la Belgique. Il y avait là-bas des gens qui nous aimaient." On ne doit pas oublier aujourd'hui que cette amitié (réciproque, faut-il le préciser par pléonasme ?) a existé. Ayant vécu deux ans en Algérie avant l'indépendance, je suis témoin de cette amitié. Il y a toute une littérature qui illustre ce fait.

 

Je me souviens aussi d’un livre sur l’évangélisation du Burundi. Un prêtre burundais a déclaré vers 1960 que c’était seulement l’avant-dernière année de ses études de théologie qu’il avait compris qu’on pouvait mourir aussi de mort naturelle.

 

Bref, la colonie fut pour beaucoup de pays une chance. Il y eut notamment une hausse de la population, de son niveau de connaissances, de son niveau de vie.

Malgré le mépris assez général des thérapies indigènes, la médecine occidentale a provoqué un progrès considérable par l’analyse des causes des maladies notamment et donc par des moyens de lutte adaptés ; elle a permis précisément cette hausse de la population.[2]

Dés éléments de droit ont été introduits, comme par exemple le droit du travail, etc. Au niveau de la morale, on doit signaler la fin du cannibalisme : même si son importance a pu être exagérée par certains explorateurs et son interprétation souvent fautive, il n’en reste pas moins que le fait était réel et assez répandu.[3] De plus la colonie a mis fin à des dominations indues. L’esclavage a subi un recul considérable et même s’il n’est pas totalement éradiqué, tous les gouvernements africains aujourd’hui s’accordent sur la nécessité de le combattre.[4] Certains peuples en dominaient d’autres : même si c’est pour le déplorer, l’historien Bernard Lugan rapporte que la présence européenne a abouti à une égalisation.[5] Au plan de l’agriculture, les techniques ont fait en quelques décennies un bond que l’Europe avait mis plusieurs siècles à accomplir. Faut-il rappeler qu’en Afrique Noire on n’avait pas de roue, donc pas de moulin, pas de traction animale, etc. ?

 

Je pense que j’ai jusqu’ici agacé ou même blessé certains de mes lecteurs. Il est temps de modérer ce jugement : la colonie n’a pas eu que des éléments positifs, et cela surtout en raison des conditions de la colonisation.

Il faut noter l’horrible discours des socialistes français sur les droits et devoirs des « races supérieures » ![6] On y voit s’étaler de façon odieuse orgueil et idéologie. Cela explique le grand tort des colonisateurs, qui fut de ne pas respecter les souverainetés légitimes. Bernard Lugan note que les catholiques français étaient opposés à cette politique, sans doute parce qu’ils avaient tiré les leçons de ce qui s’était passé en Amérique : les socialistes ignoraient les droits des peuples : mais que pouvait-on attendre de ces personnages qui fêtaient le centenaire de la Révolution Française, se réjouissant de l’assassinat du roi et des massacres génocidaires qui l’ont suivi ? Il faut donc voir dans cet orgueil et cette idéologie la source de tous les abus de la conquête[7] et des petits chefs ensuite, avec la dureté des corvées et des punitions. Toutefois, il faut signaler qu’en répandant l’écriture, les colonisateurs ont donné aux colonisés les moyens de faire connaître leurs malheurs et de les dénoncer, en sorte que progressivement le droit du travail a été respecté.

J’ai découvert l’Afrique Noire en enseignant le latin et le français : une idée s’est imposée à moi, et je la crois juste et éclairante. Les décideurs européens du XIXème siècle avaient tous étudié le latin, et donc été en contact avec la pensée de Jules César. Celui-ci, persuadé que Rome apportait un progrès à l’humanité, s’expliquait, à propos des Gaulois : « Je ferai oublier à ces peuples par un torrent de bienfaits les torrents de sang qu’ils m’ont obligé à leur faire verser dans leur amour immodéré de la liberté. » Ainsi raisonnaient sans doute aussi les colonisateurs de l’Afrique Noire.[8] Car c’est vrai qu’il y a des devoirs des peuples développés envers les peuples plus pauvres : mais bien sûr César raisonnait avant le Christ et cela explique les moyens qu’il a mis en œuvre. Les socialistes français de 1880 raisonnaient en anti-chrétiens, et c’est là encore une explication.

 

Cependant ces discours des colonisateurs sur leurs devoirs ne doivent pas faire oublier leurs liens avec les puissances financières : l’attrait des ressources naturelles de l’Afrique n’était pas négligeable. Et on peut y joindre l’appétit de puissance, et la concurrence européenne. Un chant militaire français l’exprime naïvement (la colonisation s’est déroulée pour la majeure partie après la défaite française face à la Prusse en 1870) :

Loin de chez nous, en Afrique, combattait le bataillon

Pour refaire à la patrie sa splendeur, sa gloire, son renom…

 

Justement parlons de la colonie sous l’aspect de la guerre et de la paix. Si la conquête a parfois été brutale, on ne doit pas oublier qu’à certains endroits elle a ramené la paix dans des régions troublées. Ainsi y avait-il en Afrique de l’Ouest un conquérant qu’on a pu comparer à Attila : Samory s’était taillé un empire, réduisant de nombreux peuples en esclavage ; la France avait d’abord composé avec lui, son fils était même venu en France et on lui avait fait cadeau d’un uniforme de Saint-Cyrien qu’il mettait au combat jusque sous les tropiques… Puis il fallut Le ramener à la raison, et les peuples qu’il avait menacés ou assujettis participèrent à l’action militaire française. De même au Congo Belge, lors de la prise de Kasongo, il n’y avait qu’une poignée de Belges : les troupes étaient indigènes, heureuses de l’occasion d’en finir avec la capitale de l’esclavagiste Tippo-Tip, arabisé venu de Zanzibar.

Qu’en est-il donc de la participation des troupes coloniales aux deux guerres mondiales ? On peut penser que c’est l’envers de la médaille de la fin des guerres tribales. Cependant que ce serait-il passé si l’Allemagne avait vaincu en 1918 ? La colonisation allemande était bien plus dure que la colonisation française ou même anglaise. Il y eut au Sud-Ouest Africain Allemand un « ordre d’anéantissement » (Vernichtungsbefehl) de la part du gouverneur militaire à l’encontre d’une des trois tribus du pays, qui s’était révoltée, et de fait on ne trouve pratiquement plus de descendants de cette tribu aujourd’hui. Surtout le racisme qui s’est répandu en Allemagne sous Hitler fait craindre qu’alors l’Afrique Noire n’aurait plus été qu’un vaste camp de concentration. C’était donc l’intérêt des Noirs eux-mêmes que de combattre le régime nazi durant la seconde guerre mondiale : les dirigeants nazis les considéraient comme des sous-hommes, taillables et corvéables à merci.[9]

 

Puisque nous avons évoqué l’attrait des ressources naturelles de l’Afrique, demandons-nous si la période coloniale a été celle d’un pillage. Jacques Marseille, historien communiste, le croyait, et il a entrepris de le démontrer. Les communistes français, en effet, étaient les valets des Soviétiques, et nous avons vu que ceux-ci avaient poussé à la décolonisation : ils accusaient les puissances coloniales occidentales de tous les maux. Or Jacques Marseille s’est vite rendu compte que son hypothèse de départ ne tenait pas : les colonies avaient plus coûté à la France qu’elles ne lui avaient rapporté, au point que ce sont les capitalistes eux-mêmes qui trouvaient que le coût des colonies entravait leurs affaires et qui ont demandé au gouvernement de s’en débarrasser. Le livre de Jacques Marseille[10], malgré son honnêteté foncière, n’a pas eu le retentissement qu’il eût mérité.

A contrario on a cité l’exemple de la Belgique, dont le gouvernement en exil à Londres entre 1939 et 1944 s’est fait une belle fortune en vendant le caoutchouc du Congo aux États-Unis qui ont ainsi équipé de pneus les véhicules militaires qui ont servi entre autres à libérer la Belgique !

A propos de cette supposée exploitation des pays colonisés, il faut mentionner que les populations indigènes ignoraient l’utilité d’une grande part de leurs richesses : si elles exploitaient les métaux, par exemple, elles ne connaissaient pas l’intérêt du pétrole. Leur révéler cet intérêt fut donc un bienfait pour elles.

 

Qu’en est-il du découpage territorial consécutif à la colonisation ? Disons qu’à travers le monde il y a peu de « frontières naturelles », les transitions sont progressives la plupart du temps, que ce soit en termes de géographie humaine ou de géographie physique. Il reste certain que les peuples des côtes du golfe de Guinée sont très différents des peuples des steppes au Nord de la forêt équatoriale. Mais fallait-il créer des ensembles respectant ce découpage, ou bien des ensembles aux richesses complémentaires, comme c’est le cas actuellement ?

 

On le voit, le bilan de l’entreprise coloniale ne peut être que contrasté : mais n’est-ce pas le cas de toute entreprise humaine ? Les motivations même les plus pures ont toujours quelque part une dose d’intérêt.[11]

Alors demandons-nous : qu’auraient fait les Africains s’ils avaient été à la place des Européens ? Au total sans doute quelque chose d’assez semblable.

Il faut laisser aux Africains le soin de prononcer le jugement ultime et sans doute le moment approche où il sera possible de le faire de façon dépassionnée.[12]

Mais ce jugement devra respecter les faits. En voici quelques-uns.

- les Européens ont donné gratuitement leur science et leurs techniques au monde entier.

- En répandant l’écriture ils ont donné aux peuples africains les moyens de participer à leur tour au progrès scientifique et technique.

- Si les États européens avaient comme but des bénéfices matériels de leurs entreprises coloniales, au total ils y ont perdu de ce point de vue.

Il est urgent de progresser dans l’établissement de ce bilan de façon objective. Les nations européennes et africaines ont maintenant un passé commun, des liens qui ne doivent pas disparaître dans l’indifférence ou, pire encore, la haine et le mépris. Les semeurs de haine ne doivent pas avoir le dernier mot, l’entente dans la vérité est toujours profitable.[13]

 

__________________________________________________________________________

 

Annexe :

Jules Ferry, socialiste, colonialiste et raciste

 

On trouvera ci-après des extraits du discours que Monsieur Jules Ferry a prononcé à la Chambre des députés le 28 juillet 1885 sur « Les fondements de la politique coloniale ».

(Les socialistes devraient commencer par connaître leur histoire, avant d'en chercher aux autres. Et de faire acte de repentance)

 

« Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures...

Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures...

Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu'un peut nier qu'il y a plus de justice, plus d'ordre matériel et moral, plus d'équité, plus de vertus sociales dans l'Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête ? Quand nous sommes allés à Alger pour détruire la piraterie, et assurer la liberté du commerce dans la Méditerranée, est-ce que nous faisions œuvre de forbans, de conquérants, de dévastateurs ? Est-il possible de nier que, dans l'Inde, et malgré les épisodes douloureux qui se rencontrent dans l'histoire de cette conquête, il y a aujourd'hui infiniment plus de justice, plus de lumière, d'ordre, de vertus publiques et privées depuis la conquête anglaise qu'auparavant ? »

 

(On donne souvent pour référence à ce texte le lien suivant :

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/ferry1885.asp

Mais je n’ai pas pu l’y retrouver.

Par ailleurs Jules Ferry ne se cachait pas de ses vues économiques et impérialistes :

 

Voir aussi :

http://ww3.ac-poitiers.fr/hist_geo/ressources/colonisation/pages/debats.htm

Discours de Jules Ferry à la Chambre des députés, le 28 juillet 1885.

« Je dis [...] que cette politique coloniale est un système ainsi conçu, défini et limité, qu'il repose sur une triple base économique, humanitaire et politique.

Au point de vue économique, pourquoi les colonies ? [...] Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux. [...]

La question coloniale, c’est, pour les pays voués par la nature même de leur industrie à une grande exportation, comme la nôtre, la question même des débouchés. [….] Au temps où nous sommes et dans la crise que traversent toutes les industries européennes, la fondation d'une colonie, c'est la création d'un débouché. [...]

Il y a un second point que je dois aborder […….] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont [….] le devoir de civiliser les races inférieures. [….]

La vraie question [...] c'est celle-ci : est-ce que le recueillement qui s'impose aux nations éprouvées par de grands malheurs doit se résoudre en abdication [...] est-ce que les gouvernements qui ont hérité de cette situation malheureuse se condamneront à ne plus avoir aucune politique européenne [...] ?

Une marine comme la nôtre ne peut se passer, sur la surface des mers , d’abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. Vous savez qu’un navire de guerre ne peut porter, si parfaite que soit son organisation, plus de 14 jours de charbon. [….] C’est pour cela qu’il nous fallait la Tunisie ; c’est pour cela qu’il nous fallait Saïgon et la Cochinchine ; c’est pour cela qu’il nous faut Madagascar. [….]

Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l’activité qu’elles développent. Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde,[….] en regardant comme un piège , comme une aventure toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, c’est abdiquer.»

 

[1] Voir l’ouvrage de Jean-Louis Chaléard, Chantal Chanson-Jabeur (éditeurs scientifiques) et Chantal Bérenger, Le chemin de fer en Afrique, Karthala – Prodig – Sedet, 2006. Il s’agit des Actes d’un colloque organisé à l’automne 2004 à Paris. On note un déclin important du transport ferroviaire à partir de 1980 (c’est-à-dire au moment où se sont fait sentir les effets de la cessation du financement par les anciennes métropoles coloniales)

[2] Faute de pouvoir développer, signalons un ouvrage sur le cas du Sénégal : Adama Aly Pam, Colonisation et santé au Sénégal (1816-1960), L’Harmattan-Sénégal, 2018

[3] On peut lire à ce sujet les comptes-rendus des missionnaires, ou les ouvrages les compilant. Ainsi la vie de Monseigneur Augouard, qui arriva sur les rives du fleuve Congo à peu près en même temps que l’explorateur Stanley, regorge d’anecdotes fort instructives.

[4] Le cadre adopté ici ne permet pas d’aborder la question des traites atlantique ou arabe, l’esclavage n’est abordé que sous son rapport à la colonie : il s’agit de problèmes liés, mais différents. On consultera avec fruit le travail de Paul Lovejoy, assez complet : Une histoire de l’esclavage en Afrique, mutations et transformations (XIVe – XXe siècles) ; toutefois le cadre chronologique de cette étude amène à minimiser la traite orientale, qui a commencé un ou deux millénaires avant la traite atlantique ; et les études récentes, par des Africains eux-mêmes, tendent à dénoncer pour elle-même la traite arabe, occultée notamment par les auteurs communistes ou sous influence soviétique : comme on l’a vu, la Russie communiste était anti-occidentale et diplomatiquement liée aux pays arabes.

[5] Monsieur Bernard Lugan est sans doute le meilleur connaisseur français de l’histoire de l’Afrique, et ses cours sont suivi avec beaucoup d’intérêt par ses auditeurs africains. Ses livres sont passionnants. Simplement sur certains points sa philosophie ne me paraît pas acceptable. Si certaines catégories de la population paraissent plus douées que d’autres pour gouverner, on n’est pas obligé de croire que c’est une question d’hérédité, ce serait plutôt affaire d’éducation. Mais notre auteur a raison de remarquer que la transition fut très brutale, ce qui n’est pas allé sans de nombreux inconvénients.

[6] Voir annexe, ci-dessous.

[7] L’historien Joseph Ki Zerbo a raconté la vie de son père : Alfred Diban, premier chrétien de Haute-Volta (Cerf, 1983). Il y relate (pages 24ss) la répression par les troupes coloniales de la rébellion du pays San (en 1895 et 1896) : « Les Blancs brûlèrent toutes les récoltes, mirent le feu aux greniers à vivre. » « La mission Voulet se saisit du marabout marka Karamoko, qui, disait-on, avait trempé dans la révolte des San… Il fut exécuté et sa tête tranchée fut expédiée à Bandiagara, base française. » Ces crimes sont évidemment intolérables. - C’est à la faveur des désordres qui ont suivi qu’Alfred Diban fut réduit en esclavage.

[8] Par exemple, le roi d’Abomey s’apprêtait à envahir le royaume de son cousin, le roi de Porto-Novo : celui-ci demanda l’aide de la France, qui intervint… et s’installa ! (Les Béninois ont-ils conscience, lorsqu’ils exaltent aujourd’hui la résistance des amazones du roi Béhanzin, qu’ils prennent parti pour Abomey contre Porto-Novo ?) César avait agi de la sorte après être intervenu en faveur des Gaulois, d’abord contre les Helvètes, puis contre Arioviste. De même la répression de la révolte des San obéissait à la logique de César lui-même : si on lui résistait et se rendait, il pouvait accorder un traité de paix assez clément (pour les standards de l’époque !). Mais si, ayant passé un tel traité, un peuple se révoltait, alors il se montrait impitoyable. – Je précise qu’il s’agit ici pour moi non d’excuser, mais d’expliquer, bien sûr.

[9] Pour la première guerre mondiale on a l’étude de Marc Michel, Les Africains et la Grande Guerre, l’appel à l’Afrique (1914-1918), Karthala 2003 (réédition revue et enrichie d’un livre vulgarisant une thèse de doctorat parue en 1982).

[10] Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d’un divorce, Albin Michel : édition abrégée d’une thèse de doctorat de 1984 ; réédition 2005.

[11] De même que j’ai laissé de côté la question de l’esclavage en général, je ne traite pas ici des rapports entre colonialisme et religions. Qu’il suffise de rappeler cette affirmation de Monseigneur Tchidimbo, le premier évêque africain de Conakry : « Partout les missionnaires ont précédé les colons. » On trouverait sans doute des exceptions… Mais sur ce sujet il y a l’ouvrage de Borne Dominique et Falaize Benoit (dir.), Religions et colonisation. Afrique, Asie, Océanie, Amériques. XVIe – XXe siècle, Paris, Les Éditions de l’Atelier, IESR, INRP, 2009, 328 p.

[12] Pour un point de vue européen on a le petit livre de Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale, Flammarion 2008.

[13] Dès le lendemain des Indépendances, Otto de Habsbourg l’avait bien vu, quand il écrivait Européens et Africains, l’entente nécessaire, Hachette 1963.

 

 

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20/12/2020
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